La pratique sportive féminine rencontre encore en 2020 de très fortes inégalités, qui s’étalent au niveau géographique, au sein du Grand Paris jusqu’au niveau européen, mais aussi entre le niveau amateur et professionnel, ou sportifs et sportives ne sont pas encore sur un pied d’égalité. Ces limites peuvent néanmoins devenir des enjeux de progrès, favorisant ainsi une nouvelle image de la métropole parisienne, notamment dans le cadre d’un projet sportif.
Le choix du sport : premier pas vers la disparité
On constate une différence dans le choix de l’activité sportive selon le sexe, notamment pendant l’enfance et l’adolescence. Les filles pratiquent de façon très minoritaire les sports collectifs (1 pratiquant sur 5) et les sports de raquettes (1 pratiquant sur 3). En Île-de-France en 2018, on note que les femmes pratiquent à plus de 50% l’équitation, la gymnastique et les sports de glace. La natation, le roller, l’athlétisme et le volleyball et le pentathlon sont des sports quasi-paritaires. Tous les autres sports sont pratiqués à plus de 50% par des hommes. L’activité sportive choisie reflète alors les stéréotypes sociaux de genre : « grâce, souplesse, agilité pour les filles ; endurance, rapport de force et esprit de compétition pour les garçons ». C’est une problématique à laquelle la métropole doit pouvoir réfléchir, surtout dans la perspective d’une nouvelle image internationale. Une métropole sportive doit être une métropole qui offre des perspectives tant pour la pratique des hommes que des femmes.
Des offres sportives publiques majoritairement dédiées à un public masculin
L’équipement sportif pose la question de l’égalité d’accès aux installations publiques sportives. Or cet objectif, affirmé dans la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre les exclusions, ne se reflète pas en termes d’accès à l’équipement sportif. Les femmes sont minoritaires dans leurs utilisations et leurs fréquentations, (communautés urbaines, skate-parks, city stades). En Île-de-France la moyenne du nombre d’équipements par personne est de 23,2 pour 10 000 personnes, 19% de ces installations sont des cours de tennis, 13,5% des jeux collectifs types city stades et 10% des boulodromes. Cependant, ce sont des sports majoritairement pratiqués par les hommes. Plus largement, 85% du budget pour les équipements publics des politiques publiques prioritaires sont destinés aux hommes. En parallèle l’offre des clubs sportifs est peu adaptée à un public féminin, avec une non-mixité, axée sur la compétition et la performance, qui dévalorise la pratique de loisir. Ce choix impacte alors l’attribution de budgets et d’offres sportives au public le plus prometteur, avec une conséquence directe est la hiérarchisation de la pratique sportive des sexes. Les créneaux pour les femmes et les filles sont généralement à des horaires inadaptés, les vestiaires et toilettes féminins inexistants et l’attention des entraîneurs tournée vers les équipes masculines. Ce défaut de réponse des pouvoirs publics a été compensée par le secteur privé, qui a largement investi le domaine d’offre sportive réservée aux femmes (créneaux dédiés, jusqu’aux salles de sport). Dans le cadre du projet d’un Grand Paris du Sport, la métropole doit mettre en place de nouvelles initiatives afin de corriger ces inégalités.
Des injonctions sociales encore sous-jacentes
Des contraintes pour les femmes freinent la pratique sportive individuelle. Plus que les hommes, elles mettent en avant le manque de temps et le fait que les horaires ne conviennent pas (pression des horaires plus grande, transports des enfants à l’école à des heures précises, obligations familiales ou ménagères). Ces contraintes recoupent avec celle de la difficulté de déplacement, 18% des franciliennes interrogées, contre 13% des franciliens, indiquent ne pas pratiquer de sport parce que l’équipement est trop éloigné. Cette difficulté soulève les questions de la sécurité des femmes dans l’espace public face à l’engagement des clubs et des institutions publiques permettant aux femmes facilitant un accès à un équipement. Au delà de cet accès, il perdure encore un rapport très différent des hommes et femmes à l’espace public et à son occupation. La sédentarité dans l’espace public et sportif est majoritairement un phénomène masculin, tandis que les femmes ne font que généralement que le « traverser », souvent pour des questions de sécurité. C’est d’ailleurs un phénomène observé dès le plus jeune âge au sein des cours de récréation. La pratique sportive féminine existe, mais se restreint par défaut à l’espace privé (domicile) ou à des offres privées (salles de sport), avec d’importants effets en matière d’inégalités sociales d’accès.
Les clubs n’ont malheureusement pas toujours les ressources financières suffisantes pour offrir les mêmes services aux équipes de féminines et masculines, et consacrent alors leur budget à l’accompagnement masculin. Cette non-pratique est accentuée par des phénomènes sociologiques d’autocensure dans le sport, conséquences de stéréotypes de genre. Les injonctions à pratiquer, entre l’enfance et l’adolescence sont moins importantes pour les filles. La femme sportive est jugée “masculine”, parfois “garçon manqué”, de telle manière que pratique intensive du sport et féminité semblent s’opposer.
Dans le projet d’une métropole sportive de rang mondial, promouvoir un meilleur accès au sport et surtout plus égalitaire pourrait être un levier crucial. Pour cela, la métropole du grand Paris doit apporter de nouvelles réponses à ses limites existantes à la pratique sportive féminine, afin de s’en servir dans le cadre de son rayonnement.
Le sport professionnel impacté
Les modèles inspirants de femmes sportives sont d’autant moins visibles que la médiatisation du sport féminin reste faible, en 2016, le sport féminin a représenté moins de 20 % du volume horaire des retransmissions sportives télévisées. Les freins à l’amélioration de cette situation proviennent d’arguments considérant que c’est la performance sportive qui est à l’origine de la médiatisation. Dans l’autre sens, pour qu’il y ait performance il faut améliorer la qualité de l’entraînement, qui repose malheureusement à l’heure actuelle sur un manque de fonds et un moindre accès à la pratique sportive. Pour celles qui parviennent à devenir professionnelles, l’inégalité finale va être salariale : puisque de l’absence de mobilisation médiatique, découle une véritable inégalité salariale entre sportifs et sportives de haut niveau.
A l’heure d’aujourd’hui, la métropole de Paris connaît des inégalités dans la pratique sportive féminine à toutes les échelles. Si la capitale souhaite développer son rayonnement international en s’appuyant sur la pratique sportive, elle doit néanmoins apporter de nouvelles réponses à ces inégalités. La pratique féminine peut devenir un réel élément d’attractivité international, mais doit pour cela être redynamisée.